Et ce n’est guère ce mois de mai, à moitié entamé, qui incitera à réviser cette observation.
Prenez le dimanche l’ayant fait débuter. Ce jour là, « justice a été faite », parait-il, et à l’unisson avec les États Unis, la France voisine s’est réjouie de la mort annoncée d’Oussama Ben Laden. Entendons-nous bien, le problème ne réside pas tant dans l’annonce de la mort du personnage, il est de se réjouir de son exécution en affirmant qu’il s’agit de Justice, alors que nous avons précisément affaire à l’expression la plus tragique de sa totale absence.
Sans aucun doute, l’acte sera immanquablement utilisé pour ériger la personne en martyr, et d’autre part, se réjouir de celui-ci revient malheureusement à s’abaisser au même niveau éthique que les “terroristes” combattus, l’idéologie en moins, les contradictions en plus.
Ces contradictions sont nombreuses, et elles commencent par la définition même du “terrorisme” combattu. Sans même entrer sur le terrain des méthodes utilisées, il suffit de jeter un œil à la répartition et au nombre estimé des victimes pour faire changer les terroristes de camp. Ce n’est plus un secret depuis belle lurette, si le nom de “guerre contre le terrorisme” a été choisi pour la promotion médiatique de ces agressions, c’est en raison de sa réalité nettement moins racoleuse de “guerre aux ressources pétrolières” doublée du business généré par la guerre en elle-même.
Dans le registre des contradictions, nous avons au premier plan éthique les droits de l’homme. Ceux-ci sont toutefois vite relégués au rang de nuisances dont les effets gênants sont à réduire au minimum, dès lors qu’un peu de capitalisme “désinhibé” entre en compte. Je pense dans ce cas essentiellement aux articles 3 et 10.
Mais revenons-en à nos gouvernements occidentaux, dont quelques uns ont eu le bon ton de regretter l’impossibilité d’un jugement équitable. Les gouvernements s’étant félicités de cet assassinat, au lieu de regretter de pouvoir juger l’individu pour ses crimes, nous laissent entrevoir le dédain de ses représentants face au respect des droits de l’homme et plus généralement, aux principes démocratiques.
Depuis plusieurs années, des signaux de plus en plus forts et avec un sens similaire sont envoyés par nombre d’entre eux:
“Ces droits vous sont accordés dans la mesure ou ils n’interfèrent pas avec des intérêts financiers, et à conditions de ne pas en faire un usage excessif”. Ceci semble être la règle tacite qu’on cherche à faire avaler aux citoyens. Et comme elle ne semble vouloir se diffuser de gré, c’est par la force qu’elle est imposée.
Les “nouveaux” moyens (essentiellement dûs à Internet) d’observation du respect et de l’exercice, tant de la liberté d’expression que, plus largement, des droits de l’homme montrent chaque jour un peu plus cette orientation.
Les états semblent vouloir démissionner de leur devoir de protection de leurs citoyens au profil d’opportunités de surveillance et de mise au pas, évoluant d’un esprit de “service” à une optique de “soumission”.
Cette tendance, dont le but est de freiner l’individu dans l’exercice de ses droits, est loin d’être exclusivement internationale, on l’observe aussi clairement en Suisse, au niveau tant fédéral que cantonal. J’y reviendrai ultérieurement à l’occasion d’un autre article.
Si vous n’en êtes déjà conscients, un peu de logique vous permettra facilement de déduire ce qui se produit depuis quelques années vis à vis d’Internet, et donc du Web. Si un moyen de diffusion grand public, plus rapide que la “presse traditionnelle”, permettant à chacun de s’exprimer librement, et ignorant les frontières géopolitiques devient efficace (comprenez “gênant”), qu’en advient-il ?
Si l’on ne peut le détruire, on tente de le contrôler. Et seulement si rien n’y fait, sous la contrainte, on s’adaptera. “La connaissance, c’est le pouvoir”, dit-on. Ses détenteurs actuels ne sont, pas plus à notre époque qu’à une autre, enclins à le partager. L’ACTA et la HADOPI française, pour ne citer qu’eux, sont le fruit de ces efforts, issus d’intérêts privés et gouvernementaux tendant à se recouper, cherchant à mettre en place ce contrôle.
Internet est, dans son principe de fonctionnement, éminemment libertaire et démocratique. Il est constitué d’innombrables acteurs, s’étant mis d’accord (certes avec quelques luttes de pouvoir), sur les principes de bases nécessaires à un fonctionnement commun. Au delà, chacun est libre d’en faire ce qu’il désire, dans la mesure ou cela ne met pas en péril l’ensemble du réseau.
Personne n’en a donc un contrôle complet, et les nombreux acteurs se le partageant n’ont pas ou peu d’intérêt à “fliquer” la partie sur laquelle ils ont la main, sauf à vouloir être exclus de facto par les autres. Dans ce monde, ou acteurs et utilisateurs (du moins les “câblés”) paient un “débit” plutôt qu’un volume de données échangées, les gens sont volontiers enclins à partager. Ce qui met en place, d’un point de vue commercial, une économie d’abondance, par opposition à une économie de rareté (sauf à mettre en place une rareté artificielle, tout aussi pénalisante pour le consommateur que l’obsolescence programmée).
Afin d’instaurer un contrôle, il s’agit donc dans un tel cas de menacer juridiquement et financièrement les acteurs du réseau. Les menaces juridiques ne pouvant avoir un impact qu’au niveau national, les menaces financières sont généralement préférées au niveau international pour leur meilleure efficacité.
Mais pourquoi vouloir instaurer un contrôle, me direz-vous ? Dans ce domaine, il faudra clairement distinguer les prétextes des vraies raisons. Plusieurs articles seraient nécessaire à aborder le seul pan des prétextes, mais tous tournent autour de “menaces évidemment mortelles guettant l’internaute à chaque coin du Web”.
Les raisons, elles, sont aussi aisément résumables: Dans un univers permettant une totale liberté d’échange de données (donc d’information) à un coût fixe raisonnable, les gouvernements ne jouant pas franc-jeu avec leur population sont sur la sellette, et les industries de contenu numérisable monnayés à leur rareté sont vouées à disparaître.
Nous sommes face à une immense évolution, influant sur nos habitudes et remodelant le monde physique. Face à celle-ci, certains réflexes réapparaissent, en particulier celui de “lutter, usant de moyens hors d’âge, plutôt que de s’adapter”.
Et dans ce monde souvent étrange dans lequel nous vivons, l’occident, tout en décriant l’attitude d’autres pays (la Chine et son peu de considération vis à vis des droits de l’homme ainsi que l’instauration d’une “muraille numérique”, par exemple), en vient à leur emboîter le pas.
En effet, l’étape de ratification de l’ACTA n’ayant pas même commencé, on apprend tant pour l’Europe que pour les Etats-Unis, la volonté de mettre en place des moyens similaires, afin de bloquer certains échanges de données considérés inappropriés. N’espérez pas l’avis d’un juge dans la démarche d’évaluation, ils ont rarement la cote dans de tels projets élaborés dans le secret.
Pourtant, et bien qu’elles soient actuellement éclipsées par les frasques supposées d’un certain Dominique Strauss-Kahn, les balles sifflent toujours au nord de l’Afrique.
Devoir rappeler aux “démocraties” occidentales l’évidente contre-productivité de méthodes de censure comparables à celles mises en place notamment en Tunisie et en Égypte, ne fait qu’amplifier l’indécence émanant de telles initiatives. Et si elles étaient amenées à se concrétiser, la Suisse pourrait bien en faire les frais, membre de l’UE ou pas, simplement de par sa situation géographique et ses interconnexions.
Malheureusement, il ne s’agit là que d’un échantillon des nombreuses atteintes aux droits de l’homme, pour la plupart perpétrées au profit de quelques-uns, et au détriment du plus grand nombre. Quantité de batailles sont à mener, pour préserver notre liberté d’expression, concernant notre système de santé, ou encore le libre accès à la culture. Peu importe l’aspect en question, les citoyens peuvent compter sur le Parti Pirate Vaudois et le Parti Pirate Suisse pour défendre ardemment ces droits.
D’après Confucius , “La connaissance est la clé du pouvoir, de la sagesse”. Si nous militons pour un accès universel et non discriminatoire à la connaissance, c’est pour tendre à un partage équitable du pouvoir, et permettre la sagesse au plus grand nombre.
Il est intéressant de voir la manière dont les états tentent de contrôler les citoyens mais oublient de contrôler les (grandes) entreprises. La crise économique de 2008 directement liée à une déréglementation incontrollée (et incontrollable), la catastrophe nucléaire du Fukushima où les intérêts économiques (profil et cotation boursière) sont passés avant les intérêts humains (sécurité, développement durable). Il faut apprendre de ces leçons et ajuster la politique Suisse en conséquence.
Très bel article, il est impératif d’intensifier la lute avant que nos libertés s’échappent sournoisement ! Parlez en à votre entourage 😉