La rentrée scolaire, ce sont aussi les objectifs du Département de l’enseignement et de la formation (DEF). Alors, laissons de côté cahiers et crayons et reprenons les bases de l’éducation, entre autres au numérique. Au milieu de divers points sur le nombre d’élèves et le trop plein de paperasserie, les présentateurs ont mis l’accent sur le mot-clé, non pas les abayas mais le numérique. En tant que Pirates, nous devions réagir à ce communiqué de presse (https://www.youtube.com/live/k0mfCVGW4CU?si=WtLe4KAGgxq-KJxg)) et rappeler que les objectifs, s’il ne sont pas bien choisis, vous mènent très efficacement dans un mur. Bonne lecture.
Comprendre le monde numérique ne peut pas « être qu’un moyen »
Bien que l’approche actuelle, qui considère les outils numériques comme un moyen plutôt qu’une fin, soit généralement sensée, elle risque de sous-estimer l’importance de la connaissance du numérique en tant que telle. Le numérique ne devrait pas être vu uniquement comme un outil pour atteindre des objectifs pédagogiques, mais aussi comme un objectif d’apprentissage crucial, à part entière, particulièrement dans une société de plus en plus connectée. Il serait donc pertinent de considérer la compréhension du numérique et de la science informatique comme une compétence fondamentale à développer, au même titre que les mathématiques ou la langue, et non simplement comme un moyen au service d’autres apprentissages ou d’un futur emploi.
L’aspect communautaire et participatif du numérique: un outil éducatif essentiel
La stratégie actuelle d’éducation numérique du Canton de Vaud manque d’initiatives visant à encourager les élèves et les professeurs à contribuer activement à la communauté numérique. Il serait bénéfique d’adopter une approche alignée avec la philosophie du logiciel libre et de la culture « hacker », qui inciterait à participer à des projets collaboratifs, à contribuer à des logiciels libres, et à partager leurs connaissances et créations avec la communauté. Cette démarche, non seulement enrichirait leur apprentissage technique, mais également leur inculquerait des valeurs essentielles de coopération, de partage et d’innovation collective, en leur mettant à disposition une vaste quantité de projets déjà existants.
(Un exemple chez nos voisins français https://www.education.gouv.fr/strategie-du-numerique-pour-l-education-2023-2027-344263))
Communication avec les parents : une solution gérée par le département ?
La gestion des outils de communication entre l’école et les parents est une question qui ne peut être ignorée. Le département doit impérativement développer et contrôler ces outils pour assurer une autonomie numérique complète, de la conception du code à son exécution. Disposer d’un accès direct aux compétences nécessaires est d’autant plus critique lorsqu’il s’agit de gérer les informations liées aux enfants, des membres particulièrement vulnérables de notre société. Quant à la création et à la mise en place de ces outils, il est important de rappeler que l’argent public doit financer du code public.
Professeurs geeks pour non-geeks : la question de la formation et du partage
La stratégie actuelle manque d’une véritable infrastructure de partage des connaissances, comme une forge logicielle dédiée à l’éducation. Une forge logicielle est une plateforme collaborative où les développeurs peuvent héberger, gérer et partager du code ou toutes sortes de contenus, tout en facilitant la contribution à des projets communs. Ce type d’infrastructure permettrait aux enseignants et aux élèves de collaborer sur des projets éducatifs, de partager leurs avancées et d’apprendre de manière collective. L’absence de cette structure empêche non seulement le partage de savoirs, mais aussi la reconnaissance des compétences développées par les participants. En outre, le coût de soutien et de formation basique est, pour l’instant, souvent laissé à des initiatives bénévoles individuelles et énergivores, ce qui n’est ni durable, ni responsable pour assurer une éducation numérique de qualité ou pour valoriser les compétences des amateurs éclairés.
Accompagnement du BYOD et pratiques d’hygiène numérique
Il est crucial d’accompagner le déploiement du BYOD (Bring Your Own Device) avec des pratiques solides d’hygiène numérique et de vie. Il s’agit notamment d’éviter le mélange entre les usages professionnels et personnels, afin de prévenir les failles de sécurité, les fuites de données, ainsi que les usages intensifs et intrusifs du numérique professionnel dans la vie privée.
Cette politique exige également une réflexion approfondie sur l’interopérabilité des différents systèmes et outils numériques utilisés. Le recours à des appareils personnels pose des défis majeurs en termes de compatibilité entre les différentes machines. Sans une interopérabilité bien pensée, élèves et enseignants risquent de rencontrer des problèmes de compatibilité qui nuiraient à l’efficacité du fonctionnement des écoles.
De plus, cela pourrait favoriser une dépendance aux marques ou logiciels propriétaires, limitant la liberté de choix des utilisateurs et créant des inégalités entre ceux dont les appareils sont compatibles et ceux qui ne le sont pas. Il est donc essentiel de promouvoir l’utilisation de formats ouverts et de logiciels libres pour garantir une compatibilité maximale et un accès équitable aux ressources éducatives.
Durables vs responsables : une question de définition
Il est important de distinguer clairement ce qui est « durable » de ce qui est « responsable » dans les pratiques numériques. Mélanger ces deux aspects dans le domaine de l’éducation est une approche risquée et malavisée. La durabilité concerne la fabrication, l’usage, la réparabilité, et la conversion d’une machine vers de nouveaux usages, avec un accent sur la sobriété numérique. La responsabilité, quant à elle, englobe l’éthique, le respect des droits humains, la protection des données, l’autonomie dans l’usage et la création des outils, ainsi que la qualité de vie et l’hygiène numérique. À ce titre, un comportement responsable implique forcément le soucis du durable, c’est-à-dire de ses impacts sur l’environnement et donc sur la vie de tous les êtres vivants, humains compris. Assurer que les pratiques numériques soient à la fois durables et responsables est donc essentiel.
Inclusion et valorisation dans les domaines du numériques
Il est important de valoriser les métiers numériques, entre autres auprès des filles, en veillant à ne pas véhiculer des images de « boy’s club » dans les écoles et sur les lieux de travail. Il faut aussi valoriser les activités para-numériques telles que les jeux vidéo, le hacking, la socialisation et la créativité en ligne, ainsi que la médiamatique. Ce résultat s’obtiendra essentiellement par l’exemple que, nous, adultes apporteront aux enfants. Mais des action ciblées peuvent être prises dés maintenant:
- Initiatives ciblées : Lancer des campagnes de sensibilisation et des ateliers dédiés aux filles pour démystifier les métiers numériques et présenter des modèles féminins inspirants.
- Participation active : Promouvoir la participation des filles à des projets collaboratifs et mettre en place des programmes de mentorat avec des professionnelles du secteur.
- Espaces inclusifs : Créer des hackathons, compétitions, et espaces de travail qui valorisent l’inclusivité et la collaboration plutôt que la compétition et la différence.
- Révision de la stratégie : Inclure explicitement des objectifs d’inclusivité de genre dans la stratégie numérique du Canton de Vaud avec des ressources dédiées.
Salon MINT : absence d’éthique et de responsabilité
Le Salon MINT, qui vise à promouvoir les métiers scientifiques et techniques, affiche une présence marquée des entreprises, mais brille par une absence notable des associations et des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Aucune filière éthique ou responsable n’y est mise en avant, ce qui laisse un vide important dans l’offre éducative, mais souligne aussi le manque de pensée critique face aux métiers du numériques. Or, depuis quelques années, de nouvelles lois sur la protection des données, la cybersécurité, l’inclusivité et les abus de position dominante des géants du numérique créent un vrai besoin de ces métiers au sein du numérique.
Conclusion
Les bonnes intentions ne suffisent pas, il ne faut surtout pas oublier que l’école est avant tout un moyen d’atteindre l’indépendance et l’émancipation par le savoir et la compréhension. Elle doit être le reflet de ce que nous avons de meilleur à offrir. Inclusive, solidaire et libre, une école du citoyen n’existera pas si on se concentre sur la productivité, au mépris de la liberté et du développement de chacun.
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